France : Macron réussit son pari du premier tour
Arrivé en tête des suffrages dimanche soir avec un meilleur score qu’il y a cinq ans, Emmanuel Macron a réussi son pari du premier tour en devançant nettement Marine Le Pen, mais devra savoir rassembler un électorat fracturé pour espérer être réélu.
Pour la première fois depuis vingt ans, le président sortant arrive en tête du premier tour et, pour la première fois depuis plus de quarante ans, les Français ont qualifié au second tour le même duel que lors de la précédente élection présidentielle.
Le scrutin était annoncé incertain et volatil jusqu’au dernier jour. En recueillant de 27,6% à 29,7% des suffrages exprimés, Emmanuel Macron est dans l’étiage haut que les instituts de sondage lui promettaient en fin de campagne, supérieur à son score de 2017 (24,01%).
Une satisfaction? Si les mêmes analystes tablaient il y a encore un mois sur un potentiel de plus de 30% des voix pour le président sortant, un temps bénéficiaire d’un « effet drapeau » lié à la guerre en Ukraine, l’état-major de la macronie ne faisait pas la fine bouche dimanche soir après des derniers jours jugés compliqués.
Une campagne jugée tardive, poussive et sans entrain, au positionnement incertain, laissait craindre une mauvaise surprise, tant les courbes du chef de l’Etat et celles de Mme Le Pen se rapprochaient. Elle n’a finalement pas entamé sa dynamique.
La parcimonie avec laquelle le candidat favori a consenti à faire des déplacements, en laissant courir l’idée d' »enjamber » ce premier tour imprudemment considéré sans risque, avait également suscité de lourdes interrogations.
La mise en garde contre une performance annoncée de la candidate d’extrême droite semble finalement avoir porté ses fruits, alors qu’Emmanuel Macron avait encore accusé jeudi sa rivale d’être « raciste » dans un entretien au Parisien.
– Dynamique nouvelle –
Emmanuel Macron est-il le favori pour le second tour? « Oui, mais », répondent certains lieutenants du président, tant la campagne d’entre-deux tours s’annonce ouverte.
Car le paysage politique né de ce premier tour est inédit: d’abord, la faiblesse historique du Parti socialiste, des Républicains, mais aussi des Verts, laisse entrevoir un « front républicain » dégarni.
Pire: comme il y a cinq ans, Jean-Luc Mélenchon réserve sa consigne de vote et l’hypothèse qu’il appelle à se porter sur le bulletin Macron dans quinze jours apparaît faible. De même, l’aile droite de LR semble résignée à un « ni-Le Pen, ni-Macron », à l’instar des positions de Laurent Wauquiez ou Eric Ciotti en 2017.
La candidate du Rassemblement national peut par ailleurs compter pour la première fois sur une réserve de voix substantielle, puisque les électeurs d’Eric Zemmour sont ultra-majoritairement disposés à voter pour elle le 24 avril, selon les instituts de sondage.
Plus généralement, le camp Macron s’est inquiété ces dernières semaines, à mesure que Mme Le Pen montait dans les sondages, de voir la fille de Jean-Marie Le Pen parvenir à corriger une image jusqu’alors clivante, au profit de celle d’une femme d’Etat.
Pour les macronistes, il s’agit d’abord de capitaliser sur un bon score promis à lancer une nouvelle dynamique.
Sur le fond, les partisans du chef de l’Etat entendent surtout rappeler les fondamentaux d’extrême-droite de Mme Le Pen, dans une tentative de rediabolisation.
Que ce soit sur les institutions, l’Europe ou sa vision du monde, le camp Macron veut plus que jamais renvoyer Marine Le Pen à sa conception supposée « illibérale » de la démocratie, à l’instar du chef du gouvernement hongrois Viktor Orbán -qu’elle a félicité pour sa reconduction la semaine dernière, et de sa proximité jadis proclamée avec Vladimir Poutine.
De même, la vision économique de Marine Le Pen, jugée non sérieuse, autant que ses revirements lors de la crise sanitaire, doivent alimenter un procès en incompétence.
« Penser qu’activer ce levier du +front républicain+ contre l’extrême droite suffira à lui seul, c’est une illusion. Car le changement d’image de Marine Le Pen est une réalité », prévient toutefois le directeur de la Fondation Jean-Jaurès, Gilles Finchelstein.
Point d’orgue: le débat d’entre-deux tours, prévu le mercredi 20 avril. « Mais ça ne pourra pas être pire que la dernière fois, donc on dira qu’elle a été meilleure », craint un proche du chef de l’Etat sortant.