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Yewwi askan wi, benno bokk yakaar, pastef, wallu senegal, rewmi… : quand Kocc impose son verbe

La langue wolof s’est progressivement introduite dans le dialecte politique. La preuve, son usage pour la dénomination des partis et coalitions du pouvoir comme de l’opposition est très actuellement en vogue. Peu usité autrefois à l’image du Parti socialiste (PS) ou de l’Alliance des forces de progrès (AFP) par exemple, qui étaient tous d’appellation française, il est devenu à présent une tendance forte chez les politiciens de recourir à l’alphabet de Kocc (wolof) pour dénommer leurs formations politiques, formuler des slogans ou pour s’adresser au peuple lors des campagnes électorales. Qu’est-ce qui sous-tend cette hégémonie des langues locales, notamment celle de la  langue wolof dans l’arène politique ? Dr Demba Diallo,  enseignant chercheur à l’UCAD, sciences du langage et analyse du discours a proposé ses analyses à Sud Quotidien.

«La wolofisation des noms et slogans des partis politiques semble être une contrainte linguistique, sans doute pour plus de visibilité et de prégnance et pour l’adaptation de la chose politique à la réalité sénégalaise. Les contraintes discursives organisent les slogans des candidats qui reprennent dans leurs discours des éléments de langage des sociétés», a affirmé l’enseignant en science du langage à l’UCAD dans une tentative d’élucidation des velléités des hommes politiques avec l’usage de plus en plus accentué de la langue wolof.

Aujourd’hui, «les noms et les charges sémantiques des coalitions des partis sont choisis plutôt en réaction contre le pouvoir en place. Les oppositions entre partis classiques (PS vs PDS) semblent disparaitre sous la force des coalitions qui s’opposent maintenant (BBY vs YAW) » a-t-il estimé. De fait, cette «transition linguistique»  que sont en train d’effectuer les politiciens suscite différentes lectures. Si d’aucuns y voient une stratégie nouvelle d’atteindre les masses, pour d’autres il s’agirait d’une baisse de niveau. De l’avis du Dr Diallo, ce n’est ni l’un, ni l’autre.

Phénomène de terrain

«En réalité c’est un faux vrai débat pour éviter de dire un vrai faux débat. C’est que le monde évolue et les réalités changent, il faut donc s’adapter pour trouver des solutions à chaque fois. Revenant à l’utilisation de la langue wolof par les hommes politiques, il faut comprendre donc que c’est un problème de terrain», a-t-il dit avant d’enchainer avec ses explications «c’est une contrainte à laquelle ils sont soumis, en même temps que la masse aussi. Il faut juste essayer de comprendre ces contraintes auxquelles sont soumis les politiciens dans les pratiques discursives : la crédibilité (construction d’une image aux yeux de la masse), la simplicité (utilisation d’une langue simple comprise par la masse) et la dramatisation(le fait de théâtraliser  leurs discours selon les savoirs et valeurs communs partagés avec la masse. Ce qu’on voit ici par exemple, c’est que le politicien est différent du professeur de français ou de langues étrangères qui est obligé de tirer ses allocutaires vers le français en évitant tout autre langue. En période électorale où dominent la parole de promesse et les engagements de satisfaire le peuple une fois dans les affaires, le politicien est un potentiel  receveur (de pouvoir) et la masse est le donateur (délégataire du pouvoir). Or, la langue wolof était et reste, par la force des choses, la langue véhiculaire, le trait d’union entre les différentes ethnies et communautés pour toute communication.

Légitimité juridique et légitimité discursive

«Aujourd’hui, si le français donne à l’homme une légitimité juridique pour l’élection présidentielle, le wolof lui confère une légitimité discursive et populaire», selon lui. En prime, de son intime conviction, ce serait le résultat de la démocratie populaire qui se traduit par la manifestation de la volonté des populations qui reconditionnent même les enjeux électoraux et le discours. Par exemple «pour une élection présidentielle au Sénégal, parler la langue nationale n’est pas une obligation constitutionnelle, c’est plutôt la langue officielle (niveau soutenu) qui marque l’obligation. Mais on voit que la réalité socio-politique fait que, pour espérer être candidat chanceux, il faut bien parler la langue véhiculaire (le wolof)» constate-t-il. Toutefois, compte tenu de l’affluence des discours et déclarations faits de plus en plus en wolof, il conviendrait d’évoquer, non sans prétendre à l’exhaustivité, les impacts que cette hégémonie du wolof pourrait avoir à la longue dans la conscience des masses et, particulièrement dans l’avenir de la politique linguistique en faveur de l’utilisation des langues nationales, du wolof surtout, au niveau administratif et académique.

Plus qu’une demande, c’est une exigence

A cela, le professeur dira que c’est une forte demande sociale qui se dissout dans toutes les instances sociales et politiques. Seulement, dit-il, en politique, ce n’est plus une demande, c’est devenu une obligation. «Cela pourrait avoir des impacts sur les politiques linguistiques qui ont commencé depuis la codification et le statut des langues. Déjà, on remarque qu’en Afrique les langues nationales deviennent progressivement des langues d’échanges un peu partout. Pour leur compte, il semble d’ailleurs à ce sujet que les populations et hommes politiques tiennent le même discours : donner à ces langues un statut plus reluisant. Certains politiciens risqueront de verser dans le populisme, d’autres de faire des engagements sous l’ardeur émotionnelle ou par ignorance et créer des remous inespérés», a-t-il fait savoir.

KHADIDIATOU MENDY (STAGIAIRE) ET MD

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