Baisse des prix, guerre des prix, par Mamadou Sy Tounkara
L’économie sénégalaise a des caractéristiques qui rendent aléatoire toute baisse de prix. Elle est extravertie, elle est informelle, elle est dérégulée. Le secteur informel pèse plus de 50% de notre Produit intérieur brut (PIB) et totalise 97% des entreprises; notre balance commerciale a toujours été structurellement déficitaire du fait que nous importons la quasi-totalité de nos besoins en produits manufacturés et alimentaires. Les meilleurs partenaires en exportation du Sénégal sont…le Mali (réexportation du fait de son enclavement), suivi de la Suisse (pour l’or de Sabodala) et de l’Inde (pour l’engrais des ICS qui appartiennent à des investisseurs indiens).
En économie, une baisse des prix peut avoir des conséquences inattendues dont la guerre des prix. Cette guerre peut se faire entre entreprises qui décident de baisser les prix à qui mieux mieux pour ne pas perdre de clients; cette guerre peut être menée par les commerçants qui décident de résister, de spéculer et de contre-attaquer par des augmentations à terme.
Le Gouvernement précédent avait fixé le kg de riz indien à 375 FCFA et l’actuel gouvernement l’a trouvé à 500 FCFA et veut le baisser à 410 FCFA, ce qui est au-dessus des 375 FCFA; le précédent Gouvernement avait homologué le kg de sucre à 575 FCFA, or le nouveau a constaté 650 FCFA sur le marché et a décidé de le ramener à 600 FCFA, toujours supérieur à 575 FCFA.
Pour ces deux produits pris en référence, les augmentations en une seule année ont été de 33% (pour le riz) et 13% (sucre), malgré les homologations du Gouvernement.
Comment baisser les prix sur des produits importés dont les structures tiennent de considérations diverses non maîtrisables par l’importateur (géopolitique et climat par exemple)? Même le sucre qui est fabriqué au Sénégal connait une hausse car l’industriel importe des intrants dont les coûts ont augmenté. Les surcoûts de transport pour acheminer les produits à l’intérieur du Sénégal doivent aussi être tenus en compte.
Dans une économie extravertie, informelle et dérégulée, la baisse des prix par le Gouvernement conduit inévitablement à une guerre des prix ouverte ou larvée par les commerçants et les industriels qui doivent faire face à divers chocs exogènes.
Baisser le coût de la vie, c’est avoir une inflation négative ou déflation, ce qui n’est guère souhaitable car tout baisserait (salaires, emplois, revenus, consommation).
Rendre la vie moins chère, c’est booster le pouvoir d’achat des ménages. Rien d’autre.
Produire ce que l’on consomme et consommer ce que l’on produit; créer des emplois réels pour augmenter le pouvoir d’achat global. Voilà deux pistes de souveraineté gagnant-gagnant pour tous.
Mamadou Sy Tounkara