CONFLIT POTENTIEL ENTRE L’ORDRE DU JOUR ET LA MOTION DE CENSURE : CAS DU SENEGAL ET DE LA FRANCE
La question du conflit potentiel entre l’inscription prioritaire à l’ordre du jour d’un projet de loi ou d’une déclaration de politique générale et la procédure de motion de censure a été abordée dans divers contextes, tant au Sénégal qu’en France.
Ces deux pays partagent des traditions juridiques similaires, en raison de l’influence du droit français sur le droit sénégalais. Cette analyse se base sur des jurisprudences et des décisions pertinentes.
1. Cadre sénégalais : jurisprudence et pratiques parlementaires :
Au Sénégal, bien qu’il n’existe pas une abondante jurisprudence spécifique sur le conflit entre l’ordre du jour prioritaire et la motion de censure, les pratiques parlementaires montrent une séparation claire des pouvoirs et une importance cruciale accordée à la motion de censure.
A. Cas de la Motion de censure de 1962 :
L’exemple historique le plus marquant est la motion de censure déposée en 1962 contre le gouvernement Mamadou Dia. Cette motion, bien que dans un contexte de tensions politiques, a montré que le parlement pouvait engager une procédure de censure contre l’exécutif, indépendamment des autres affaires en cours à l’Assemblée. L’issue de cette motion, qui a conduit à l’arrestation de Mamadou Dia et de certains de ses ministres, souligne la primauté du contrôle parlementaire, même en période de crise politique.
B. Pratique récente :
Dans les pratiques récentes du parlement sénégalais, les motions de censure, bien que rares, sont traitées avec une priorité absolue. Il n’existe pas d’exemple où l’inscription prioritaire d’un projet de loi par l’exécutif aurait empêché le débat sur une motion de censure. Cette pratique confirme la séparation des pouvoirs et le respect des prérogatives du parlement.
2. Cadre français : Jurisprudence et doctrine :
En France, la jurisprudence et la doctrine sont plus fournies en matière de conflits entre l’ordre du jour prioritaire et la motion de censure.
A. Jurisprudence du Conseil constitutionnel :
Le Conseil constitutionnel français, dans sa décision n° 59-1 DC du 17 juin 1959, a été saisi sur la question de l’inscription prioritaire à l’ordre du jour. Il a confirmé que cette priorité ne saurait porter atteinte aux droits des parlementaires, notamment en ce qui concerne les mécanismes de contrôle de l’exécutif, tels que la motion de censure. Cette décision souligne que le droit de déposer une motion de censure et de la voir débattue dans les délais impartis est un élément essentiel du régime parlementaire.
B. La motion de censure du 12 mai 1962
Un cas pertinent en France est la motion de censure du 12 mai 1962, déposée contre le gouvernement de Georges Pompidou après l’annonce du projet de révision constitutionnelle sur l’élection du Président de la République au suffrage universel. Malgré l’inscription prioritaire de ce projet, la motion de censure a été débattue et adoptée, conduisant à la dissolution de l’Assemblée nationale par Charles de Gaulle. Cet événement démontre que même face à une initiative majeure de l’exécutif, la motion de censure conserve sa force contraignante.
C. Doctrine constitutionnelle :
La doctrine constitutionnelle française affirme régulièrement la suprématie de la motion de censure en tant qu’instrument de contrôle parlementaire. Des auteurs comme Jean Gicquel et Olivier Duhamel ont souligné que la motion de censure, une fois déposée, suspend de facto la priorité accordée à l’ordre du jour par l’exécutif, en raison de son impact potentiel sur la stabilité du gouvernement.
Conclusion
Au regard des exemples tirés du Sénégal et de la France, il est clair que la procédure de motion de censure prime sur toute autre priorité à l’ordre du jour, même si celle-ci est demandée par le Président de la République ou le Premier Ministre. La jurisprudence et les pratiques parlementaires soutiennent l’idée que la motion de censure est un droit fondamental du parlement, conçu pour préserver l’équilibre des pouvoirs et garantir la responsabilité de l’exécutif devant les représentants du peuple.
Dans les deux systèmes, la motion de censure bénéficie d’une urgence et d’une priorité automatique qui prévaut sur les demandes de l’exécutif, confirmant ainsi son rôle essentiel dans le contrôle démocratique du gouvernement.
Sarr le sénégalais d’Allemagne