Législatives en Tunisie : les électeurs appelés à voter pour un Parlement privé de réels pouvoirs
Pour éventuellement renverser le gouvernement, l’approbation de deux motions de censure sera nécessaire, et aux deux tiers de l’Assemblée des députés et du Conseil national des régions, un organe pas encore constitué.
Dimanche soir, les regards seront donc tournés vers le taux de participation après un fiasco au premier tour avec 11,2 % de votants, soit la plus forte abstention depuis l’avènement de la démocratie il y a 12 ans. Alors que 7,8 millions de Tunisiens sont appelés aux urnes, des experts prévoient de nouveau une faible affluence.
« Désintérêt de la population »
Les formations d’opposition dont Ennahdha, le parti d’inspiration islamiste – bête noire de Kaïs Saïed – qui dominait le Parlement sur la dernière décennie, boycottent ce scrutin. En outre, la majorité des candidats sont inconnus et n’ont pas le droit d’afficher une affiliation politique.
« Vu le désintérêt de la population » pour la politique, « ce Parlement aura peu de légitimité, le président, tout-puissant grâce à la Constitution de 2022, pourra le dominer à sa guise », indique Youssef Cherif, expert du Columbia Global Centers.
L’attention des 12 millions de Tunisiens est ailleurs. Ils voient leur pouvoir d’achat plonger avec une inflation supérieure à 10 % et subissent des pénuries de denrées subventionnées comme le lait, le café, le sucre ou l’huile alimentaire.
Pour les économistes, ces pénuries s’expliquent par des ruptures d’approvisionnement car l’État manque de liquidités, et les fournisseurs veulent être payés à l’avance.
L’agence de notation américaine Moody’s a annoncé samedi avoir dégradé d’un nouveau cran la dette tunisienne à long terme à « Caa2 avec perspectives négatives », jugeant « plus élevé le risque » d’un non-remboursement de certaines échéances.
Situation économique « dramatique » et négociations avec le FMI
« La situation économique est dramatique. Le pays est au bord de l’effondrement », affirme le politologue Hamadi Redissi.
La croissance est atone (moins de 3 %), le chômage élevé (plus de 15 %), la pauvreté s’accroît et plus de 32 000 Tunisiens ont émigré clandestinement l’an passé.
Autre motif d’inquiétude : les négociations avec le FMI pour un nouveau prêt de 1,9 milliard de dollars, clef d’autres aides étrangères, piétinent depuis des mois. Après un accord de principe mi-octobre, le Fonds doit encore donner un feu vert définitif.
Ce blocage est lié à des « raisons internes », selon les experts. Il y a « un décalage flagrant entre les déclarations souverainistes intempestives du président contre les organisations internationales, et le programme proposé au FMI par le gouvernement », estime Hamidi Redissi.