Moyen d’appauvrissement des femmes : Oxfam déchire la politique d’austérité des Etats
Les gouvernements exposent les femmes et les filles à une pauvreté accentuée, à cause des politiques d’austérité qu’ils mènent. Le constat est d’un rapport publié par Oxfam hier, jeudi 24 novembre, en prélude de la Journée internationale pour l’élimination des violences faites aux femmes.
«Les gouvernements du monde entier exposent les femmes et les filles à des niveaux de pauvreté, de danger, de surmenage et de décès prématurés sans précédent, en raison des mesures d’austérité inconsidérées adoptées de manière quasiment universelle au niveau mondial en vue de favoriser le relèvement économique au lendemain de la pandémie, ainsi que pour limiter l’inflation». Le constat est d’un rapport publié par Oxfam hier, jeudi 24 novembre, et intitulé «L’austérité aussi, une question de genre».
Selon le document, quatre gouvernements sur cinq ont imposé des mesures d’austérité et ont préféré réduire les dépenses publiques, notamment dans les domaines de la santé, de l’éducation et de la protection sociale, plutôt que d’instaurer un impôt sur la fortune et de taxer les bénéfices exceptionnels. Plus de la moitié de ces gouvernements ne tiennent déjà pas compte des besoins des femmes et des filles et offrent au mieux une gamme de services publics et sociaux tenant compte du genre extrêmement limité. Ils considèrent les femmes et les filles comme une variable sacrifiable.
«Ce sont les femmes qui souffrent le plus des conséquences physiques, émotionnelles et psychologiques de ces coupes budgétaires dans les services publics essentiels parce que ce sont elles qui en dépendent le plus. Le relèvement économique post-pandémique a lieu grâce au dur labeur des femmes et des filles, au détriment de leur vie et de leur sécurité», déplore Amina Hersi, responsable de la Justice et des Droits relatifs au genre à Oxfam, dans le document.
Le rapport montre que les femmes sont doublement touchées par les coupes dans les services, la protection sociale et les infrastructures : d’abord directement, à cause de l’inflation et des pertes d’emploi ; puis indirectement, car elles sont amenées à jouer le rôle d’«amortisseurs» de la société. On attend d’elles qu’elles survivent et prennent soin de tout le monde, lorsque l’État se retire.
SENEGAL : QUAND LA HAUSSE DU PRIX DE L’EAU CREUSE LES INEGALITES
Au Sénégal, par exemple, la privatisation qui a suivi le démantèlement progressif de la société publique de distribution d’eau a entraîné des hausses de prix, creusant les inégalités car les personnes vivant dans la pauvreté consacrent une part plus importante de leurs revenus à l’eau que les riches. Les familles vivant dans la pauvreté ont dû se résoudre à aller chercher de l’eau à des sources non salubres et à réduire le budget du ménage consacré à la nourriture et aux autres biens et services essentiels. Cela a entraîné l’apparition de maladies transmises par l’eau et la multiplication des cas de malnutrition ; ce qui a eu pour effet d’accroître les responsabilités pesant sur les femmes en matière de soins, au chevet des personnes tombées malades.
Par ailleurs, malgré les conséquences dévastatrices de l’inflation des prix alimentaires, et à l’heure où plus de 60% des personnes qui souffrent de la faim au niveau mondial sont des femmes, le Fonds monétaire international (FMI) a exigé de neuf pays, dont le Sénégal, qu’ils introduisent ou augmentent la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), qui s’applique souvent à des produits courants comme les denrées alimentaires. «L’austérité n’est pas seulement une politique genrée ; c’est aussi un processus genré dans sa «quotidienneté», la façon dont elle imprègne la vie quotidienne des femmes en particulier : dans leurs revenus, leurs responsabilités en matière de soins, leur capacité à accéder à des services aussi essentiels que la santé, l’eau et le transport, ainsi que dans leur sécurité générale et l’absence de violences physiques à leur encontre à la maison, au travail et dans la rue», poursuit Amina Hersi.
En outre, le rapport révèle que les gouvernements décident de leurs politiques économiques sans consulter de données propres au genre. Oxfam exhorte ainsi tous les gouvernements à en finir avec l’austérité et à trouver des solutions alternatives comme la budgétisation féministe et la fiscalité progressive visant à financer les services publics et la protection sociale universelle, afin de mettre les besoins spécifiques des femmes et des filles au cœur de leurs politiques. L’organisation les appelle également à offrir un travail décent grâce à la pleine application des normes du travail de l’Organisation internationale du Travail, y compris pour les femmes travaillant dans l’économie informelle et dans l’économie des soins. Oxfam appelle aussi le FMI à arrêter d’imposer des mesures d’austérité économiques douloureuses et vouées à l’échec et à suspendre les conditions fondées sur l’austérité dans tous les programmes de prêts en cours. Enfin, elle exhorte les pays riches à annuler, sans tarder, les dettes des pays à revenu faible et à leur accorder des financements sans dette.
Fatou NDIAYE