Safietou Sagna, capitaine des «lionnes» : ‘’au début, on nous présentait comme des garçons manqués et filles ratées’’
Que de chemin parcouru pour la capitaine des Lionnes, Safiétou Sagna et ses coéquipières qui après s’être battues pour se faire accepter comme footballeuses, ont été pour la plupart portées en héroïnes au retour de la Coupe d’Afrique des Nations Féminine 2022 disputée au Maroc.
‘’Les choses ont vraiment évolué, ça a été un combat de tous les instants. Mais plus que la réception au retour de la CAN, c’est la décision de certains parents de venir vers nous pour demander des conseils pour leurs filles qui fait le plus plaisir’’, a expliqué la capitaine des Lionnes dans un entretien avec CAFOnline.com.
L’ancienne sociétaire du Casa Sports qui a débuté sa deuxième saison à Bourges (France) indique : ‘’Du chemin a été parcouru quand je me rappelle ma crainte quand je devais aller jouer au football. On nous présentait comme des garçons manqués et des filles ratées’’.
‘’On doit continuer à se battre pour que toutes les filles puissent faire le sport de leur choix mais on peut être fier de nous. Nos sœurs et surtout nos filles n’auront plus besoin de se cacher pour jouer au football’’, a estimé la capitaine des Lionnes quarts-de-finalistes au Maroc en juillet dernier.
Au sujet de l’édition jouée au Maroc qui marquait le retour du Sénégal après 10 ans de traversée de désert, celle qui a commencé sa carrière internationale en 2011, pense que ‘’les Lionnes ont réussi leur compétition’’.
‘’Nous avons fait une bonne CAN. On a marqué notre premier but en phase finale de CAN, signer notre première victoire et pour la première fois de son histoire, le Sénégal s’est qualifié au second tour d’un tournoi féminin, ce qui n’est pas une mince affaire’’, a-t-elle relaté indiquant que le Sénégal garde encore intactes ses chances de qualification à la Coupe du Monde Féminine de la FIFA 2023 à travers les barrages.
‘’Globalement, il y a de quoi être satisfait même s’il y a aussi un regret, celui d’avoir raté la qualification en demi-finale contre la Zambie, une équipe largement à notre portée’’, ajoute Safiétou.
‘’C’est vraiment dommage parce qu’on avait en face une équipe de la Zambie largement à notre portée contre laquelle, nous avons d’ailleurs ouvert le score. Cette défaite aux tirs aux buts est restée en travers de notre gorge, mais nous allons nous appuyer là-dessus pour préparer les futures échéances. C’est une bonne leçon’’, a-t-elle retenu.
Safiétou Sagna qui, après le Casa Sports, a joué dans l’équipe du lycée Ameth Fall de Saint-Louis et à l’US Parcelles Assainies, pense aussi que le manque d’expérience et de concentration de nombreuses jeunes joueuses de l’effectif a eu une incidence lors de la compétition’’.
‘’Ce qui fait le plus plaisir est que l’avenir nous appartient. Le Maroc, finaliste a eu des problèmes contre le Sénégal. Mais il faut savoir gérer l’aspect émotionnel’’, a-t-elle relaté.
« C’est heureux de noter qu’en 10 ans, le football féminin a beaucoup évolué au Sénégal notamment sur le plan organisationnel avec la catégorisation des équipes nationales U17 et U20 », a-t-elle ajouté se réjouissant que les filles réussissent à jouer très tôt et à acquérir de l’expérience et qu’elles sont prêtes à prendre la relève.
‘’La prise en charge est réelle avec des stages périodiques sur une longue période, ça a permis de bien travailler et mettre une philosophie’’, a-t-elle dit saluant la posture de la FSF.
Evoquant le football de haut niveau et la vie de femme dans la société sénégalaise, la sociétaire de Bourges (France) reconnaît que ‘’c’est très difficile de concilier les deux’’.
‘’Dans notre société, beaucoup continuent à penser que la femme doit rester à la maison pour gérer son foyer et laisser le football aux hommes. Heureusement que nos performances commencent à changer les regards’’, s’est-elle empressée de préciser.
‘’Les parents et proches commencent à comprendre que c’est notre passion et pour certaines leur gagne-pain’’, a-t-elle fait savoir.
«Certaines joueuses sont mariées et le football n’altère en rien leur vie de couple et leur carrière sportive parce qu’elles continuent à jouer au haut niveau et à bien gérer leur ménage»
‘’Mieux encore, certaines joueuses sont mariées et le football n’altère en rien leur vie de couple et leur carrière sportive parce qu’elles continuent à jouer au haut niveau et à bien gérer leur ménage’’, a-t-elle insisté.
‘’Mais ça reste un combat permanent pour nos cadettes et peut-être nos filles qui doivent pouvoir vivre pleinement leur passion’’, a-t-elle fait savoir insistant sur le fait que ‘’le football n’est pas opposé à la vie de couple, à être une femme et à assumer son rôle dans la société’’.
‘’Et bien sûr que je pense sérieusement au mariage et à fonder une famille et je vous promets que mon mariage n’est pas très loin’’, a-t-elle mentionné dans un éclat de rires.
‘’Le football de haut niveau est très exigeant et franchement, ce n’est pas une partie de plaisir mais puisque des filles arrivent à le faire pourquoi pas moi et les autres’’, a-t-elle poursuivi.
‘’C’est très possible surtout si vous avez la chance d’avoir des proches compréhensibles notamment votre conjoint qui vous soutient dans votre activité’’, a-t-elle dit.
‘’Il y a beaucoup de préjugés mais les mentalités ont beaucoup évolué et les performances récentes y ont beaucoup contribué’’, a commenté la capitaine des Lionnes qui comptent 42 sélections depuis 2011 avec les Lionnes du Sénégal.
‘’Quand on décide de faire du football, il faut accepter de continuer à bien travailler à l’école, à faire les travaux domestiques avant d’aller sur le terrain’’, a-t-elle souligné indiquant que pour elle, les choses ont changé avec ses premières sélections et son transfert en France.
Si elle veut continuer à rester dans le football après sa carrière de joueuse, Safiétou Sagna ne se voit pas entraîneure mais plutôt dans le management sportif pour ‘’aider nos filles et nos sœurs à faire un bon choix de carrière’’, a dit celle qui continue à allier la pratique du football à ses études dans un institut de formation aux métiers de football à Bourges.