Expédition Punitive Chez Un Moukhadam De Baye Niass
Mohamed D., Idrissa D. et Omar Ben Khatab K. sont en détention depuis deux semaines pour avoir molesté leurs condisciples, Abdoulaye T. et Cheikh Tidiane S. Une agression qui est survenue au domicile de Serigne Ousmane Mbow, Moukhadam de Baye Niass, lequel aurait tenu des propos injurieux envers le guide religieux des mis en cause, Serigne Sangue Ndiaye.
Mohamed D., Idrissa D., Omar Ben Khatab K., Abdoulaye T. et Cheikh Tidiane S. sont tous disciples de Baye Niass. Les trois premiers nommés sont affiliés au Moukhadam Serigne Sangue Ndiaye, les deux derniers cités au Moukhadam Serigne Ousmane Mbow. Il résulte des éléments de l’enquête que ce dernier tient régulièrement des propos injurieux envers Serigne Sangue Ndiaye. Au lieu de porter le contentieux devant la justice, des disciples de Serigne Sangue Ndiaye, dont Mohamed D, Idrissa D. et Omar Khatab K., se sont concertés pour en découdre avec le mis en cause. C’est dans ces circonstances qu’ils sont allés au domicile de Serigne Ousmane Mbow aux Parcelles Assainies le 3 avril 2023. Sur place, Mohamed D. et Cie ont eu des échanges de propos aigre-doux avec les disciples du maître des lieux qui leur ont refusé l’accès à la villa. Après cette attaque avortée, une autre descente musclée a été réalisée le 13 avril 2023. Armés de gourdins et de matraques, les assaillants ont infligé des blessures à Abdoulaye T. et Cheikh Tidiane S. Serigne Ousmane Mbow a ainsi saisi le commissariat des Parcelles Assainies d’une plainte pour coups et blessures volontaires ayant entraîné 12 jours d’incapacité temporaire de travail. Soupçonnés d’avoir passé à tabac les victimes, Mohamed D., Idrissa D. et Omar Khatab K., âgés tous d’une trentaine d’années, ont été appréhendés, puis placés sous mandat de dépôt. À la barre du tribunal des flagrants délits de Dakar ce jeudi 3 août 2023, Mohamed D. a avoué avoir participé aux deux interventions, mais il a réfuté avoir blessé les parties civiles. À l’en croire il était sur les lieux avec ses compères pour des pourparlers. « On était un groupe de six ou neuf personnes », affirme-t-il. Idrissa D., a, quant à lui, nié sa présence sur les lieux le 13 avril. Même son de cloche pour le chef d’entreprise Omar Ben Khatab. Marié et père de deux enfants, celui-ci a toutefois admis avoir appelé au téléphone Cheikh Tidiane S. en lui disant s’ils ne cessaient pas leurs provocations, ils allaient revenir pour régler leur compte. La représentante du Ministère public a réprimandé les deux parties. « Vous êtes repartis sur les lieux pour vous faire justice. Il faut que ça s’arrête. On ne va pas vous laisser foutre le bordel. C’est valable pour vous (les parties civiles). Personne n’a le monopole de la vérité. Vous n’êtes pas exempts de reproches. Vous n’avez pas le droit d’insulter le marabout des autres », a-t-elle lancé.
La procureure demande des peines de trois et six mois ferme
Pour Me Nokhim Mbodji, Omar Ben Khatab K. est l’instigateur de cette expédition punitive. C’est l’un des éléments objectifs du dossier. L’avocat a demandé au tribunal de recevoir la constitution de partie civile de Abdoulaye T. et Cheikh Tidiane S. et de leur allouer chacun 1 milllion francs. Dans ses réquisitions, la déléguée du procureur a fait remarquer qu’on assiste de tout bord à des tentatives d’affaiblissement de l’Etat. « Dans un État de droit tout le monde est soumis à la loi. Quand des individus se lèvent pour régler leur différend avec d’autres personnes c’est un précédent dangereux », a-t-elle estimé. Revenant sur les faits, la parquetière a signalé que Omar Ben Khatab K. a nié depuis l’enquête préliminaire avoir participé à l’agression. Mais, dit-elle, ses menaces ont été suivies d’effets. L’avocate de la société a ainsi sollicité la disqualification des faits en menace de violence et voie de fait à son encontre. Pour la peine, elle a requis trois mois ferme. Concernant Mohamed D. et Idrissa D, la parquetière a demandé six mois ferme.
La défense écarte la vidéo versée au dossier
Du côté de la défense, le dossier a été monté de toutes pièces. La vidéo versée au dossier ne montre pas l’agression. Alors que la maison de Serigne Ousmane Mbow est équipée de caméras de surveillance Mieux, les parties civiles ne reconnaissent pas leurs bourreaux. D’après Me Youssoupha Camara, Sangue Ndiaye est un commerçant. À l’inverse des autres marabouts, c’est lui qui distribue des terrains à ses talibés. « Il gêne, il est injurié à longueur de journée par Serigne Ousmane Mbow. Ce qui n’est pas normal. Même s’il se réclame d’être le bon Dieu pourquoi l’insulter? Et les parties civiles y participent », s’est offusqué Me Camara. Dans sa plaidoirie, Me Aïssata Bâ a invité les deux guides religieux à privilégier le dialogue. Étant donné qu’ils veulent perpétuer les enseignements de Baye Niass. « Je suis consterné et ébahi, j’ai même honte de dire que je suis un disciple de Baye Niass », a lancé d’emblée un autre conseil de la défense qui a regretté l’incident. Toutefois, la robe noire a mis en doute le certificat médical. Selon lui, le document a été établi par le médecin Niokhor Birame S., qui se trouve à Keur Massar. « C’est un parent de la partie civile Cheikh Tidiane S. Je vous demande d’accorder la liberté provisoire aux prévenus si vous comptez mettre l’affaire en délibéré », a plaidé l’avocat. Une requête que la parquetière a rejetée, estimant que le trouble à l’ordre public est toujours persistant. Aussi, la déléguée du procureur a fait savoir que les prévenus n’offrent pas de garanties sérieuses de représentantation en justice. Elle sera suivie par le juge qui a rejeté la demande de liberté provisoire, avant de fixer son délibéré au 10 août prochain