A chacun son honneur au Sénégal. De sorte qu’il y a, au pays de la teranga, autant de Sénégalais que d’honneurs.
Aussi, est-ce au Sénégal que l’on observe le mieux la capacité de production de mensonges d’une part, et d’absorption, de consommation de mensonges d’autre part.
Il suffit, pour y exceller, de déclamer les ‘mots’, au lieu de présenter les ‘choses’ qu’ils désignent. Tel, par exemple, le « projet » de PASTEF, qui n’existe pas à ce jour mais dont la seule évocation aura suffi pour haranguer les foules et déplacer massivement les électeurs jusque dans les isoloirs pour élire Président de la République Bassirou Diomaye Diakhar Faye. Pardon ! pas pour élire, car au Sénégal, seul Dieu élit ; mais pour voter.
En fait de « projet », il s’agit en réalité d’une idée que PASTEF a, ou avait, en vertu de laquelle ce parti ambitionne de casser le « système » et, en lieu et place, d’ériger le « non-système ».
Une nouvelle « vision politique » est alors née, anti-système, s’il en est, censée en toute logique, au terme de sa maturation, se muer sous la forme d’un « projet ».
C’est donc un tel « projet » que PASTEF a vendu aux Sénégalais dans la perspective de la Présidentielle du 24 mars 2024. C’est-à-dire un « projet » qui n’existe pas formellement, tel que l’a admis expressément le Gouvernement au sortir du Conseil des ministres du 24 avril 2024, non sans promettre tout aussi expressément aux Sénégalais qu’il le sera dans les cinq mois à venir, tout au plus.
Flagrant délit de mensonge ! Et alors ? Après tout, on est au Sénégal.
Le « projet » de PASTEF, tant déclamé et si bien vendu aux Sénégalais, n’existe donc pas ; tandis que le Gouvernement promet de concevoir et d’accoucher d’un « projet » dans un délai de cinq mois. Entendez, en substance, que ce dernier ne sera pas nécessairement conforme à l’idée vendue comme un « projet » aux Sénégalais. Nous aimons autant espérer que, dans l’intervalle, le binôme Diomaye-Sonko sera un excellent praticien du PSE du Président Macky Sall.
Belle arnaque morale ! Et quelle escroquerie politique !
Or, un projet (de société) ne saurait se confondre avec un programme de gouvernement.
Nous voilà donc partis pour une gouvernance à vue, un pilotage à vue du Sénégal pendant de longs mois, voire plusieurs années. Car, à la vérité, le duo Diomaye-Sonko est d’autant moins préparé à présider aux destinées du pays qu’il aura du mal à se remettre de son « étrange victoire ».
Notons que, à la différence des grandes manœuvres militaires, où l’on prépare les soldats à la guerre avec la garantie certaine qu’ils ne s’y entretueront pas, la gouvernance à vue a cette fâcheuse particularité de ne viser aucun objectif sûr, ni aucun résultat certain.
J’ai dit « étrange victoire ». Car comment nommer autrement ce qui nous est tombé sur la tête au soir du 24 mars 2024 ? Si l’on sait que, depuis, nombre d’entre-nous sont totalement groggy ; alors que d’autres, plus nombreux, sont bien grisés par « l’étrange victoire » du candidat Bassirou Diomaye Diakhar Faye avec PASTEF et ses alliés.
Qu’à cela ne tienne, nous avons désormais au Sénégal un président de la République, Bassirou Diomaye Diakhar Faye, qui, du haut de son perchoir et tout surpris sinon tout effrayé d’y être, entend tout déléguer, ou presque, au Premier ministre Ousmane Sonko dans la gouvernance du pays. L’un et l’autre, malgré les apparences, n’y sont guère préparés. Et, pour se tirer d’affaires, le premier d’ordonner au second, ou de le prévenir : « Faites ce que vous voulez, Monsieur le Premier ministre, mais faites quelque chose ».
C’est du moins ce à quoi nous assistons dans leur pratique forcément improvisée du pouvoir. Qui plus est, une pratique bicéphale du pouvoir.
Même le MFDC ferait mieux, ou ne ferait pas pire, en pareilles circonstances ! dis-je récemment à un camarade de lutte.
C’est que le MFDC a une vision politique bien réelle, et un projet de société tout aussi réel, qui peut se décliner en autant de programmes de gouvernement que nécessaires, selon que vous soyez idéologiquement d’Extrême gauche, de Gauche, du Centre gauche, du Centre, du Centre droit, de Droite ou d’Extrême droite.
Jean-Marie François Biagui — MFDC